Je pense que ce qui me manquait le plus, c'était les arbres et cette assurance que nous avions lorsque nous étions cachés aux yeux du mondes, maîtres des ténèbres, maîtres de nos terres. Ici nous étions trop visibles, trop vulnérables. J'avais peur, mais la peur devait passer après tout le reste. Mon Clan passait avant tout. Et depuis qu'Il était là, j'avais l'impression que rien ne pourrait plus jamais nous arriver. Eloignez vous la guerre, la famine, les tempêtes et le feu. Je n'avais plus peur, pas même du froid qui allait bientôt tomber sur nos collines.
Je me souvins que je l'avais vu, ce jour où j'avais découvert la neige. C'était ce même jour que tout avait été bouleversé... J'allais sûrement m'en souvenir toute ma vie.
J’invitai Flamme à se faire plus discret tandis que nous entrions dans cet endroit que nous avions communément appelé la cité des lapins. Dans la position du chasseur, j’avançai silencieusement vers un couple de proies qui se dorait au soleil. Je souris à Flamme et mon regard semblait demander : toi ou moi ?

• C'était disons une belle journée, on l'ont sentait malheureusement la saison des feuilles mortes venir. Ensemble - donc avec Griffe - Flamme se rendit dans la cité des lapins, comme le rendez-vous avait été placé. Puis, au sommet d'une première colline se trouvaient déjà quelques habitants au pelage brun et duveteux. Tout de suite, Griffe s'accroupit en une position de chasse remarquable, et regarda Flamme d'un oeil complice. Il lui envoya un petit signe de tête, qui voulait normalement dire de terrasser d'un seul coup ces jeunes lapins. Le tigre au pelage roux flamboyant se tint un peu à l'écart, regardant Griffe chasser comme une vraie tigresse.
  
  Flamme regarda autour de lui. Était-il vraiment chez lui dans ce paysage d'herbe? Il était habitué au désert, au ruisseau enflammé et à la montagne des suns. Il se souvenait la première fois qu'il l'avait monté, en compagnie de Whiteprince. Son coeur se serra au souvenir du vétéran. Avait-il fait le voyage, ou était-il resté en arrière? Même Flamme ne savait pas s'il avait fait le bon choix. Parfois, il avait l'impression de ne pas être chez lui ici. Il secoua la tête. Il avait fait tout ceci, il avait sacrifié tant pour cela, il ne pouvait revenir en arrière, maintenant. Quelque soit le choix de Whiteprince, il savait que le tigre blanc aurait fait de son mieux. Et puis, Griffe était là, avec lui, donc sa vraie maison était forcément ici.

Tout avait disparu. La jungle où j'avais appris à grandir et devenir une vraie guerrière; le château qui avait abrité les plus obscurs de mes jours et les nuits les plus noires; ces plateaux où j'avais fait la plus belle des rencontres. Tout avait disparu, jusqu'à Eridan, jusqu'à nos anciens et nos terres. Il n'y avait plus que Lui. Lui, Flamme, pour qui je me serais battue jusqu'au bout. Sans vraiment le savoir il m'aidait par sa seule présence à surmonter chaque jour, chaque crainte, chaque dificulté. J'avais tant crain d'être un mauvais chef, tant crain des problèmes qu'engendreraient nos nouvelles terres, tant crain de ne jamais me sentir ici chez moi... Avec Lui je pouvais me reposer un peu et réfléchir, j'avais quelqu'un sur qui m'appuyer, quelqu'un que je défendrais contre tout ce que le monde pouvait nous envoyer de mal. Quelqu'un que j'aimais vraiment...
Chasser ensemble me fit penser à notre enfance, sur les anciennes terres. Nous nous retrouvions sur les terres libres pour des parties de chasses. Lui, petit Sun chassant ardument pour nourrir son clan natal avec courage ; moi, jeune Wind chassant adroitement pour prouver ma valeur au sein de mon clan adoptif. Chacun chassait pour une raison bien précise et différente, mais nous avions tous les deux ça dans le sang : la fièvre de la chasse nous réunissait.
Flamme s’écarta discrètement, sans faire de bruit. C’était mon tour. Je souris, appréciant chaque instant où mes sens étaient à l’affut du moindre bruit. Je m’approchai de quelques mètres encore, en silence. Je détaillai quelques instants les proies insouciantes un peu plus loin, avant de m’élancer vers elles. Les deux lapins mirent du temps à détaler, tétanisés par la surprise. Mais déjà j’étais sur eux et enfonçai mes crocs dans la nuque fragile du plus gros, tandis que le deuxième disparaissait dans un trou à flanc de colline.
Je revins vers Flamme avec mon butin, me frottant contre mon compagnon avant de m’allonger un peu plus loin à l’ombre d’un buisson. Je l’invitai à faire de même avant de commencer à dépecer ma proie.