Mes pattes s'arrêtèrent au bord du gouffre. Quelques pierres se délogèrent et se laissèrent tomber dans le vide pour disparaître bien plus bas sans un bruit. Mon regard s'attarda sur le paysage qui se profilait devant moi. En face la vaste forêt des Storms nous imposait son obscurité, mais on apercevait tout de même le bleu-vert de l'océan dans l'horizon. Le vent m'apporta les senteurs de la forêt. L'espaces de quelques instants la jungle et son éternelle verdure me manquèrent terriblement.
L'été s'était envolé depuis déjà plus d'une lune, et les chaleurs venaient accompagner l'automne. Les Wind accueilleraient-ils de nouveaux petits cette année ? L'air était doux; pas chaud, mais pas vraiment très froid non plus. Les rayons du soleil luttaient contre l'hiver qui n'allait pas tarder, et les arbres avaient déjà perdu la bataille. Leur parure flamboyante s'écoulait lentement et se dispersait, entraînée par le vent, pour former un beau tapis aux couleurs du soleil couchant. C'était notre premier automne ici.
Mon regard était perdu dans la contemplation du paysage, à moitié immergé dans les souvenirs. Le vent tourna, venant dès lors de mon dos, chassant l'odeur de l'humus et du sel. Il m'apporta alors une senteur bien familière. Mon visage se fendit d'un sourire, je fis demi-tour avec hâte pour L'accueillir....

L'automne. Flamme appréciait énormément cette saison, lorsque tous les arbres se paraient de feuilles rouges, oranges et or. Le vent devenait plus frais, le soleil moins chaud, comme si le tigre sentait la présence du changement. Le fait qu'il était maintenant un Wind, et plus un Sun... Il ferma un instant les yeux, repensant à ses amis, sa famille, aux suns, qu'il avait laissé là-bas. Peut-être étaient-ils entrain d'agoniser, de mourir, sans aucun tigre pour les aider à surmonter ces épreuves. Flamme ne se le pardonnerais jamais. D'avoir été aussi égoïste, d'avoir pensé qu'à l'amour qu'il avait pour Elle. Mais en même temps, il la rendait heureuse. Il en était bien conscient. Au moins, il aurait su lui faire garder un sourire et entretenir son coeur par sa seule présence. Tout lui semblait si facile. Mais il avait fait le bon choix. Flamme ré-ouvrit ses yeux verts, après avoir senti le vent, après l'avoir laissé s'installer dans son pelage. Puis, entre les feuilles colorés des arbres, un rayon de soleil trouva un chemin vers l'animal, et son pelage roux s'enflamma d'éclat et de couleur. Le parfait union. Le vent et le soleil. Ensemble, pour toujours.

Puis, il commença à marcher, un peu là où ses pattes l'amenaient. Il ne tenait pas trop compte du trajet, se laissant guider par son instinct sauvage. Puis, il comprit qu'il se dirigeait automatiquement vers les falaises, sans savoir pourquoi. Le vent se faisait fort, comme s'il rehaussait son ardeur, venant avec un souffle nouveau, courageux, capable de déplacer des rochers entiers, de faire des immenses vagues dans l'eau. Après tout, c'était le vent qui portait les oiseaux.

Le soleil se mit à briller de plus en plus fort, alors qu'il aperçu une silhouette rousse au loin. Son coeur fit un bon, comme à chaque fois qu'Elle était là. Le sourire au lèvres, il se dirigea au petit trot vers sa bien-aimée, Celle qu'il aimait plus que tout. La rejoignant, le soleil illumina une fois de plus leurs pelages embrasés. Sans dire un mot, il colla son visage contre le cou de la tigresse. Les mots ne savaient pas exprimer ce qu'il ressentait pour Elle.

Elle. Griffe. Le parfait union. Le vent et le soleil. Ensemble, pour toujours.

Mes yeux s'illuminèrent comme deux soleils.
Nos fourrures se frôlèrent, avant de se presser l'une contre l'autre. Il était tout pour moi. Un ange venu du ciel, juste pour moi, pour m'éclairer un monde sombre et dur. Je l'aimais, comme je n'avais jamais aimé personne. Je n'aurais jamais cru sourire ainsi grâce à une personne. Il était comme l'air qui me permettait de respirer. Vital. Chaque jour loin de lui était une torture, mais son souvenir m'aidait à tenir quand il n'était pas là.
Des ronrons de contentement sortaient de ma gorge, comme lorsque j'étais petite. Je me frottais contre lui, mêlant mon odeur à la sienne, m’imprégnant de lui comme si nous n’étions qu’un. Plus petite que lui, je me glissais sous ses pattes avant pour le renverser avec douceur. Comme un tigron, je me posais sur lui, triomphante, avec cette lumière de joie et de douceur qui ne me quittait plus lorsqu’il était là. Allongée sur lui, je lui léchais le museau avant de me redresser pour le libérer de mon étreinte, sans toutes fois m’éloigner, ronronnant toujours autant. Je l’aimais, et j’aurais tout fait pour lui prouver. Un regard joueur plongea dans celui de Flamme.
Lui et moi. Moi et lui. Nous. Ensemble. C'est tout ce qui comptait.